Témoignage et avertissement de Brieuc, docteur en géochimie isotopique, diplômé de l’Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand

Une petite précision d’un docteur en géochimie :

Il n’y a pas en Bretagne de « nappe phréatique », terme réservé aux couches sédimentaires à peu près horizontales, et renfermant de l’eau, piégée dans une roches poreuse et perméable, entre deux couches de roches imperméables. Ainsi y a-t-il des nappes phréatiques dans le bassin parisien.

En Bretagne, on parle d’aquifère fissuré. La roche n’est pas poreuse (comme l’est le sable, par exemple), mais elle est fissurée, fracturée. Et c’est dans ces fractures que se stocke et circule l’eau. Une des conséquence de cette structuration, c’est qu’il n’y a pas de couche réellement imperméable séparant les divers domaines (superficiel et profond par exemple). Ce qui fait que des polluants de surface vont rapidement (quelques années) se retrouver dans les aquifères profonds ; ceci explique que pratiquement tous les forages bretons soient aujourd’hui contaminés (pesticides, engrais, etc), à quelque profondeur qu’on les creuse. Ce qui explique aussi que le gestion de l’eau potable se fait chez nous majoritairement à partir de bassins de surface (barrages) et/ou de forages superficiels (quelques mètres à dizaines de mètres) : en effet, puisque la qualité de l’eau en profondeur est sensiblement la même qu’en surface (à la charge en oxydes métalliques près : fer, manganèse,…), pourquoi aller se fatiguer à creuser pour exploiter de l’eau ? Celle qui coule en surface est tellement plus accessible !

Par suite logique, si aucune barrière n’empêche les polluants superficiels de descendre, aucune n’est là non plus pour empêcher les polluants profonds de remonter. Et rien ne les arrête non plus en diffusion latérale : ils vont suivre l’eau partout où elle ira.

Par ailleurs, une mine, c’est un gros trou dans le sol, vers le fond duquel se dirige fatalement l’eau des alentours. Il y a donc risque de décharger profondément les aquifères contigus à la mine, avec d’une part rejet en surface des eaux de pompage, donc alimentation par le haut des aquifères locaux en eaux polluées, et d’autre part risque de tarissement de certaines veines d’eau actuellement en exploitation (pour abreuver le bétail, alimenter certains besoins spécifiques tels que des processus industriels, voire pour la fourniture d’eau potable aux petites communes). Les conséquences nettes sur le tissu économique local peuvent donc, rien que du point de vue de l’eau, être négatives. Dès lors, quel intérêt pour les populations à développer les mines ?

Bref, la ressource en eau bretonne est certes abondante, mais très fragile. La maltraiter plus encore qu’elle ne l’est déjà, c’est faire le lit d’une dépendance future aux prestations tarifées des laveurs d’eau sale que sont les Véolia et autres Lyonnaise des Eaux. Le coût à venir est donc immense, non seulement en termes de prix financier, mais aussi en termes d’autonomie de gestion, et de « souveraineté hydrique », si je puis me permettre ce néologisme (à rapprocher du concept de « souveraineté alimentaire »). Enfin, le coût de la mine ne s’arrête pas avec la mine, et une fois les profits faits, les exploitants sont généralement insolvables (optimisation fiscale oblige…), et les populations restent à devoir gérer les conséquences à long terme de l’exploitation (trous dans le sol, remontées de polluants, lixiviation des stériles, etc). Le tout ayant un fort impact sur la santé et l’économie, directement (poussières, eau polluée, radioactivité de certains minéraux abandonnés sur place), mais aussi indirectement (alimentation contaminée, bétail fragile donc coûteux à produire, champs stérilisés ou faiblement productifs, perte d’intérêt patrimonial…).

A nous donc de voir si nous préférons faire taire les dogmatiques qui refuseraient le « développement » économique, ou les dogmatiques qui prônent la sacralité de ce même « développement ».

Brieuc de Saint-Brieuc

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