Désinformation, vous avez dit désinformation ? Ou pourquoi l’exploitation minière est inscrite dans le permis de recherche.
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« Nous sommes ici pour casser la désinformation »
C’est avec cette formule choc que le représentant du Préfet des Côtes d’Armor ouvrait récemment une réunion destinée à informer des élus et membres de la société civile sur les Permis Exclusif de Recherche Minière (PERM) récemment octroyés à Variscan en Centre Bretagne. L’ordre du jour incluait d’ailleurs une présentation des permis par Varsican.
Comme ils avaient pu le faire précédemment, et depuis, Variscan et les représentants des services de l’Etat ont dit et répété à cette occasion que le permis de recherche était une chose, qu’une éventuelle future exploitation en était une autre, qu’il n’y avait aucun lien réglementaire entre les deux et que, si projet d’exploitation il devait y avoir, il y aurait enquête publique, tout serait mis sur la table et tout le monde pourrait s’exprimer[1]. Au stade actuel, il ne s’agissait que de collecter des informations scientifiques sur le sous-sol de la région, et seuls des obscurantistes[2] pouvaient trouver à redire à un projet si noble et désintéressé.
Sauf que le projet en question coûte une broutille de 10 à 11 millions d’euros en moyenne par PERM, à multiplier par une dizaine de PERM en France, et tout cela sans aucune certitude sur l’issue de l’opération ?
Bref, pressentant un manque d’information, les « désinformateurs » éprouvèrent le besoin de s’informer et ne furent pas peu surpris de ce qu’ils trouvèrent.
Première étape : lecture attentive du code minier (les deux volumes en vigueur) et des différents projets de code minier réformé toujours pas finalisé ni débattu au Parlement, puis analyse et reconstitution d’une procédure à priori pas vraiment conforme à la communication officielle.
Deuxième étape : interrogation de spécialistes de la question pour validation, commentaires, etc…. Et validation il y eut, et au-delà même !
Reprenons les choses par le début
Concernant la recherche minière, les événements de ces derniers mois nous ont permis de comprendre qu’il y avait deux niveaux de décision :
1.Le niveau ministériel qui décide souverainement de l’octroi du permis de recherches après une procédure de mise en concurrence publiée au Journal Officiel (que tout le monde ne lit pas au petit déjeuner) et une consultation du public par voie électronique pendant trois semaines (pour ceux qui ont une connexion Internet et dont la connexion permet le téléchargement de fichiers pesant plusieurs dizaines de méga octets). Fait exceptionnel, le ministre avait décidé de demander leur avis aux maires concernés, ce qu’il n’était pas obligé de faire. Il n’y a ni étude d’impact du projet sur le territoire concerné, ni enquête publique.
2.Chaque année, le titulaire présente à la préfecture un programme de travaux qui, selon la gravité de ses impacts, peut être soumis ou non à enquête publique. Noter qu’une enquête publique permet d’informer la population, de prendre son avis, mais qu’elle n’est que consultative.
Concernant l’étape suivante, celle de l’exploitation, le code minier suit la même architecture à deux niveaux, mais avec quelques subtilités qui ont leur importance :
1.La concession d’exploitation pour 10, 20, 25 ans par exemple est accordée au niveau ministériel;
2.Les travaux relèvent de décisions préfectorales et sont soumis à étude d’impact et à enquête publique.
Et c’est là qu’on ne nous dit pas tout : il y aura bien enquête publique, mais elle ne portera que sur les modalités de l’exploitation de la mine et, à ce stade d’avancement de la procédure, le public consulté ne pourra qu’espérer modifier quelques détails à la marge, certainement pas remettre en question le principe de l’exploitation elle-même qui sera acquise depuis … l’octroi du permis de recherche et ne donnera lieu à aucune publicité.
Pas possible !!! Eh bien si !
Parce que l’article L132-6 du code minier (nouveau) dit ceci : « Sans préjudice des dispositions de l’article L.142-4, pendant la durée de validité d’un permis exclusif de recherches, son titulaire peut seul obtenir une concession portant, à l’intérieur du périmètre de ce permis, sur des substances mentionnées par celui-ci. Le titulaire d’un permis exclusif de recherches a droit, s’il en fait la demande avant l’expiration de ce permis, à l’octroi de concessions sur les gisements exploitables découverts à l’intérieur du périmètre de ce permis pendant la validité de celui-ci. »
Le titulaire du permis minier a droit à l’octroi de concessions (noter le pluriel). C’est mécanique, imparable ; l’Etat serait même juridiquement dans son tort s’il refusait et devrait indemniser le titulaire de ses frais de prospection et pour les bénéfices qu’il aurait pu escompter de l’exploitation. Indemnisation financée par les deniers publics, naturellement.
Mieux encore, l’article L132-4 du même code prévoit que : « La concession est accordée après une mise en concurrence, sauf dans les cas où la concession est octroyée sur le fondement de l’article L. 132-6. Les demandes de concession suscitées par l’appel à concurrence sont soumises à l’enquête publique prévue à l’article L. 132-3. »
Donc, pour ce qui est de la décision capitale de passer du stade de l’exploration à l’exploitation, les dés sont jetés d’entrée de jeu, et lorsque le titulaire veut ouvrir une ou plusieurs mines, il obtient sa ou ses concessions sans mise en concurrence ni enquête publique.
Encore plus fort :
L’article 119-5 du code minier précise que : « La mutation d’un permis exclusif de recherches de mines, la mutation ou l’amodiation d’une concession de mines font l’objet d’une autorisation accordée par le ministre chargé des mines dans les mêmes conditions que celles prévues pour l’octroi du titre, à l’exception de la mise en concurrence et, pour ce qui concerne la concession, de l’enquête publique et de la consultation du Conseil d’Etat »
Après avoir obtenu ses permis de recherche, Variscan peut demander une ou plusieurs concessions sur les périmètres concernés (et l’Etat ne peut les lui refuser) sans tenue d’enquête publique. Et rien n’empêche la Junior entreprise Variscan de revendre la ou les concessions ainsi obtenues à une ou plusieurs autres entreprises, mais des Major, celles-là, qui attendaient dans les coulisses, le tout sans aucune consultation ou information, ni de la population, ni des élus.
Voilà ce que dit la loi française, et dont il semble bon d’informer le public puisque personne d’autre ne s’en charge. Faut-il préciser que ces dispositions sont maintenues dans le projet de réforme du code minier ?
Alors, qui fait de la désinformation ?
Post scriptum : Pour être complets, sur les trois permis de recherche bretons, ceux de Loc-Envel et de Silfiac font l’objet de recours en justice portés par des associations[3], l’objectif étant d’obtenir l’annulation par la justice des arrêtés ministériels qui les autorisaient.
Ces démarches, couplées à l’information exhaustive et à la mobilisation du public et des élus, aux refus d’accès aux terres et à d’autres actions en justice contre les programmes de travaux à venir sont indispensables pour faire en sorte que le Centre Bretagne ne devienne pas une terre minable… et minée.
Le 29 avril 2016,
1. Le Télégramme, 02-10-2015, Pontivy Journal, 9 10 2015, Le Télégramme, 24 02 2016, , http://annielehouerou.bzh/2016/02/17/exploration-miniere/, https://rcf.fr/actualite/linvite-de-la- redaction-21-octobre-2015-0722-7, etc…
2. Le Télégramme, 26-02-2016
3. Avenir et Vigilance et Douar Di Doull pour Loc-Envel, Nature et Patrimoine Centre Bretagne et Attention Mines ! pour Silfiac.